Comment gagner grâce à la procédure

On sait qu’une banque perd tout droit au remboursement d’un prêt si elle n’engage pas des poursuites dans les deux ans suivant la cessation du paiement de ses mensualités par l’emprunteur ou du prononcé de la déchéance du terme (la déchéance du terme c’est la décision par la banque de réclamer la totalité des sommes restant à rembourser du fait d’une défaillance de paiement).

Ce délai n’est interrompu que si les poursuites sont valablement engagées.

La Cour d’appel d’Aix en Provence a rendu le 9 décembre 2016 une décision en application de ce principe déboutant la Barclays Bank PLC de ses demandes contre un emprunteur ne l’ayant pas remboursée.

Par acte authentique du 8 novembre 2005, la Barclays Bank PLC venant aux droits de la société Barfimmo a consenti à Monsieur E. un prêt d’un montant principal de 190 200 euros avec intérêts au taux fixe de 4,95 % par an sur une durée de 240 mois, en vue de l’acquisition sous la forme d’une vente en état futur d’achèvement d’un bien immobilier.

Le premier incident de paiement est survenu en décembre 2009 et la déchéance du terme prononcée en 2010.

Elle a fait délivrer à Monsieur E. le 16 février 2012 un commandement de payer valant saisie immobilière.

Par jugement d’orientation du 23 juin 2013, le juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de Nice a déclaré le commandement caduc faute pour le créancier d’avoir délivré son assignation dans le délai de 2 mois de sa publication et a ordonné sa radiation.

Ce jugement a été confirmé par la cour d’appel d’Aix en Provence suivant arrêt du 31 janvier 2014 qui est désormais définitif.

La Barclays Bank PLC a ensuite engagé une nouvelle procédure d’exécution en adressant à Monsieur E. le 7 février 2014 un commandement de lui payer la somme de 195 497,10 euros, valant saisie du mobilier situé dans son appartement de Beausoleil dont celui-ci a contesté la validité devant le juge de l’exécution.

Mais la Cour d’Appel d’Aix en Provence a considéré qu’il ne fallait pas tenir compte du premier commandement de 2012 qui était caduc et qu’il s’était écoulé plus de deux ans après la déchéance du terme de 2010 puisque la deuxième instance avait été engagée en 2014. Elle en conclut que l’action de la banque était prescrite et quelle ne pouvait plus poursuivre le débiteur.

« Sur la prescription de la créance :

Attendu que le délai qui s’attache à l’action exercée par la Barclays Bank PLC à l’encontre de Monsieur E. est celui de deux ans érigé par l’article L 137-2 du code de la consommation, Monsieur E., non inscrit au registre du commerce, ne pouvant pas être assimilé à un professionnel sous le motif que pour procéder à un placement, il a acquis moyennant 284 441 euros un appartement en l’état futur d’achèvement à usage de résidence locative meublée, cette opération ne pouvant équivaloir à un acte de commerce ou un acte ‘mixte’ soumis à une prescription quinquennale, tandis que l’ordre public de protection s’attachant à ce texte commande d’écarter également le moyen tenant à la distinction entre le délai de l’action en paiement et le délai de la mise en oeuvre d’une voie d’exécution.

Attendu que s’agissant de recouvrement d’une créance à exécution successive et compte tenu de ce que Monsieur E. n’a procédé à aucun remboursement postérieurement à la déchéance du terme le 15 avril 2010, le point de départ de la prescription érigé par l’article L 137-2 du code de la consommation est la réception de ce courrier qui l’a porté à sa connaissance le 10 mai 2010.

Que comme il a été rappelé la Barclays Bank PLC a fait délivrer à Monsieur E. le 16 février 2012 un commandement de payer valant saisie immobilière qu’elle a fait publier au service de la publicité foncière de Nice le 16 mars 2012, cet acte de poursuite annulé par jugement d’orientation du 23 juin 2013, ne peut être considéré comme un acte interruptif de prescription puisque il ne produit aucun effet.

Attendu que la Barclays Bank PLC ne peut se prévaloir utilement d’aucun acte interruptif de prescription entre le 10 Mai 2010 et le commandement de payer délivré le 17 février 2014, de sorte que son action et prescrite et que le jugement déféré sera confirmé sur ce point par substitution de motifs. »

Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 12 janvier 2017.

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