La responsabilité des notaires dans les opérations de défiscalisation

Les décisions concernant la mise en jeu de la responsabilité des notaires dans les opérations de défiscalisation s’enchainent. Il leur est en effet régulièrement reproché de ne pas avoir rempli leur devoir de conseil et d‘information. 

La Cour d’appel de Caen a du statuer le 8 février 2022 sur une affaire de défiscalisation Malraux initiée par la société France Pierre Invest qui a fait l’acquisition à Bayeux (14) d’un ensemble immobilier en vue de le diviser en parcelles et de revendre ces dernières à différents investisseurs.

Le bien acquis comme une grange à restaurer et non comme un immeuble à usage d’habitation

Lors de la réitération de la vente par acte authentique du 28 décembre 2007 reçu par Maître D., le bien vendu moyennant le prix de 120.000,00 €, a été désigné comme étant une grange à restaurer dépendant d’un ensemble immobilier plus grand, située à […], ainsi que les 100/1000èmes indivis d’un jardin commun et d’un passage commun situés […] et […].

Les époux A. qui souhaitaient effectuer une opération immobilière s’inscrivant dans le cadre de la Loi Malraux, ont fait réaliser les travaux de rénovation de la grange et ont bénéficié d’une déduction foncière de 101.595,00 € au titre de l’année 2007 et de 100.070 € au titre de l’année 2008 dans le cadre de leurs revenus fonciers des années 2007 et 2008.

À la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale leur a adressé, par lettre recommandée du 3 août 2010, une proposition de rectification au motif que l’acte authentique établi par Maître D. le 28 décembre 2007 décrivait le bien acquis comme une grange à restaurer et non comme un immeuble à usage d’habitation, de telle sorte qu’ils ne pouvaient pas bénéficier des déductions foncières de 2007 et 2008. Leur recours porté devant le tribunal administratif puis la Cour administrative de Nancy a été rejeté.

Les époux lésés ont donc engagé la responsabilité de leur notaire.

Le notaire connaissait la volonté des époux de bénéficier des avantages fiscaux de la Loi Malraux et il lui incombait donc d’attirer l’attention des époux A. autrement que par le seul envoi du projet d’acte, d’une part sur le changement de désignation du bien vendu, d’autre part sur l’impossibilité dans ces conditions de bénéficier du dispositif de la Loi Malraux, ce peu important que les acquéreurs aient été assistés de leur propre notaire, ceci ne dispensant pas le notaire rédacteur de son propre devoir de conseil.

Le notaire a donc été condamné à indemniser les époux au titre de la perte d’une chance à 95% du montant du redressement fiscal.

Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 11 février 2022.

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